C'était , je crois bien , à Tirupati où nous avons dormi dans un hôtel du genre miteux - parce qu'un autre du même nom , à quelques pas de là , était recommandé dans Lonely Planet , et que nous avions confondu ! Ce cheval passait toute la journée là , semblait-il , attaché au milieu d'un carrefour très passant et bruyant , où les véhicules allaient vite . Et j'étais en colère contre les personnes qui le laissaient là . Personnellement et si j'étais un cheval , je détesterais passer la journée attachée dans un endroit comme ça , pas vous ? Même avec un peu de foin , comme c'était le cas .
Donc , j'étais là , il était sept heures du matin à peu près , et je cherchais un endroit où prendre du thé . Pas de thé .. Ils avaient juste du café . Et j'étais ronchon ( c'est souvent le cas quand je n'ai pas encore eu mon thé au petit dej ) , et je râlais après les indiens parce qu'ils sont tellement durs et insensibles avec les animaux , accusant du fait la croyance dans les vies antérieures . Je fais quelques pas dans un sens , pas de boutique de thé en vue ; je repars dans l'autre sens , m'éloignant du carrefour .. Tout à coup , j'entend des aboiements de chien , pas n'importe quels aboiements : on y entendait peur et souffrance . Je me retourne : il y avait un clebard , sur le dos , coincé , hurlant de douleur au milieu de la circulation . Je me suis précipitée , sans savoir très bien ce que j'allais faire , en tout cas ça n'était pas une place pour un chien ; mais je me disais en même temps que 1) de toutes façons je ne sais pas soigner un chien accidenté , et puis 2) il y en a qui sont tellement galeux , j'aurais la trouille de le toucher .. Je savais tout ça , et j'étais bien embarrassée , pourtant je continuais à marcher rapidement vers le carrefour , à tout hasard .
Et tout à coup pendant que je marchais , tel un ange qui se serait soudainement matérialisé sur le trottoir , apparait , venant d'un des immeubles loqueteux qui poussaient à ce même carrefour : un brahmane . Un brahmane pas très flambant , crasseux , grassouillet , torse nu au dessus de son dhôti plus grisâtre que blanc . Il s'avance d'un pas décidé au milieu du trafic en direction du chien ; se penche , prend le toutou dans ses bras ( boudiou ! contre sa poitrine nue ! et la gale ? l'a pas peur lui ? et si le chien le mord ? ) et le ramène sur le bas côté de la route . Là , avec l'aide d'un compère , il retourne le chien , toujours dans ses bras , puis commence à lui tripoter tout au long la colonne vertébrale , les côtes , les articulations .. enfin le repose , debout sur ses pattes ; le chien est un peu flageolant ; puis se secoue , redevient plus gaillard .. et repart gaiment - en direction de l'autre côté de la rue ... sans se faire accrocher cette fois .
Et voilà . Je ne dirai jamais plus que les indiens n'aiment pas les animaux ..