L'Inde est bruyante , on le sait .  Ma chambre dans les arbres beneficie de tous sons divers ... Le lendemain de mon arrivee , a cinq heures du matin  ,   j'ai ete reveillee en sursaut par des grands cris  qui semblaient encourager les efforts d'un camion au moteur ronflant , manoeuvrant tout juste  a  vingt centimetres de la tete de mon lit . J'ai emerge a toute vitesse pour voir ce qu'il en etait - en fait , ce camion etait en bas , a un endroit ou on n'aurait jamais cru qu'un camion puisse arriver , et  essayait de s'avancer au plus pres du grand reservoir , pour decharger du sable tout  a cote du tas de briques deja en place . Travaux prevus ... Le dechargement fait , tout le monde est parti .Plus de travaux - pendant deux jours , ou deux mois , ou deux ans ... 

             Je me suis recouchee , ai rouvert les fenetres , et j'ai pris grand plaisr . etendue tranquille surle matelas dur ,  a ecouter le duo subtil entre le chant d'un oiseau de nuit  - Tiu tiu tiu tiu tiu tiu Tuuuuuuuuuuuuuuuuu ... auquel repondait le grincement repete plusieurs fois , tres doux , d'un portail qu'on ouvrait et refermait . Tout a coup , un autre chant : un indien , un homme , qui fait ses nettoyages de nez ou de gorge du matin - aucun detail n'est epargne , raclements , gargarismes , graillonnements , on mouche abondamment , et puis vas y que je crache pour me debarrasser des humeurs   ... Comme la joie me tenait compagnie , j'ai trouve  ca comique ; et la musique de reveil que j'ai tant bien que mal reussi a installer sur le telephone , un extrait d'une Symphonie de Tschaikovski parce que je n'avais pas d'autre disque sous la main , eclatant a six heures ,  m'a directement propulsee ensuite dans l'aspect tragi-comique de l'existence . Ce pauvre Tschaikovski.

.                    Me restait plus qu'a m'asperger des pieds a la tete d'eau fraiche - ce que j'ai fait .

                 Plus tard , pour le darshan de ShivaShakti Ammayar , c'est une toute autre musique , musique encore , musique du silence . Amma se promene dans la salle ,  regarde les meditants assis  tout autour ; personne ne bouge ; personne ne parle . Elle  marche avec une lenteur infinie ;  s'arrete , et j'ai vraiment l'impression qu'elle ecoute , qu'elle ecoute la musique tres pure qui vient de chacun de nous comme d'un instrument de musique tout particulier ; de temps a autre , elle s'arrete , yeux mi-clos ;  eleve un peu , doucement , sa main droite toute petite  - et nous savons alors , en voyant son expression heureuse,  que chacun de nous , juste a cet instant , emet un son , un son que je n'entends pas , un son qu'elle est , peut-etre , seule a entendre ; un son  merveilleusement beau , merveilleusement pur , merveilleusement  delicat . Quel cadeau elle nous fait .. Mon Dieu , quel cadeau .