Alors , là , mes enfants , si j'avais vu les vidéos de cet avadhûta , avant d'aller lui demander sa bénédiction , j'aurais vraiment eu les chocottes ... Mais je ne les avais pas vues . Sonagiri nous avait bien dit : " il pousse des cris , et il va peut-être nous jeter des cailloux "- connaissant le genre d'humour de Sona , je ne me suis pas inquiétée . On est arrivés dans Prodattur , une grande ville , à la tombée du jour ; on a un peu cherché , demandé , puis trouvé - dans un faubourg propret et calme , une petite rue , l'entrée d'un  petit temple ; sur le trottoir , plusieurs personnes  . On nous dit d'attendre pour recevoir la bénédiction de Krishnaya Avadhûta . Bon , on attend .. le trottoir est propre , je m'assieds . Et , sans savoir pourquoi , je m'installe pour méditer .

         Quelle bénédiction .. la méditation m'a emportée , à l'instant ,  dans un ailleurs - infiniment paisible , sans nom et tellement bienheureux.

      Je n'ai pas vu le temps passer .. j'étais si bien . Mais , ça  bouge - nous pouvons rentrer , en file indienne  . Une dame nous fait passer , l'un après l'autre , dans une pièce très éclairée  ... Sur une estrade , un homme  est assis, nu comme la main ; il est plus que grassouillet - ça me change agréablement de celui de ce matin . Il grogne et pousse des cris inarticulés , ( marmonne- t'il également une bénédiction , comme j'aime à me l'imaginer  ? )   pendant que je me prosterne , le front sur le bord de l'estrade .  La dame me fait signe de sortir , je ne me fais pas prier , tout de même  ... Dans la rue , à la sortie  , une aimable vache blanche , maquillée de poudre Kum-kum rouge ,  couronnée de fleurs , attend sa bénédiction , elle aussi . J'ai envie de lui faire un cadeau .  Coup de chance , il y a justement une banane, tombée  par terre à quelques mètres de là ; je la ramasse ,enlève les graviers qui y adhèrent ,  et la lui tend ; elle la mange avec plaisir , puis nous entamons une conversation amicale ( je veux dire la vache et moi , pas la banane et moi ) : elle ( toujours la vache .. )  me donne un coup de langue affectueux  sur la main .  Sans savoir pourquoi , je me sens extraordinairement bien : heureuse , paisible , mais pleine de vie et de tonus  . 

        J'ai vu jusqu'à ce soir dans l'énergie merveilleuse de ce coin de paradis l'influence de Krishnaiah Avadhûta ; que je compare à tous ces maîtres Zen , ni aimables ni conventionnels ,  dont parle la tradition... Mais allez donc regarder les vidéos , comme je l'ai fait ce soir seulement .. il y en a une où il jette vraiment des caillasses sur les gens ...  Curieux . Il n'a jeté de cailloux sur aucun de nous , en tout cas . Et  je remercie le ciel ( et Sona ! ) de  me l'avoir fait rencontrer , en tout cas , comme si , grâce à cette bénédiction en particulier , je m'étais sentie plus libre d'être moi-même - et non plus forcément aimable ni gentille .. sauf pour les vaches et certains chiens -  bien sur .

          De bon matin , nous étions en train de nous empiler dans le minibus pour quitter Sriseilam vers l'Ouest . Quand arriva , en rickshaw ,   son petit sac à  la main : Mataji Jnaneshwari .. qui voulait aller voir son guru à Kurnool . Kurnool était presque sur notre chemin .. Le guru de Mataji était un avadhûta réputé , une jeunesse de 118 ans . Donc , nous avons installé Mataji à la place d'honneur , et sommes redescendus ,  par une route qui tortillait , mais pas la même ,  je crois , qu'à l'aller ... des hauteurs de Sriseilam jusqu'à la plaine .

     Une heure ou deux plus tard , on est arrivés à Kurnool , qui m'a donné l'impresion d'une grosse bourgade ; nous nous sommes dirigés directement vers des faubourgs : un imbriquement de petites maisons et surtout - un festival de kolams . Le sols devant les maisons  avaient été lavés et , souvent ensuite , recouverts d'un enduit  à base de bouse de vache , ce qui donnait une teinte jaune vert anis pâle , un fond très réussi qui faisait ressortir les autres couleurs . Le mot kolam que je connaissais est probablement du tamil , mais en Andhra Pradesh ils appellent ça des rangoli

        Naturellement , on était allés visiter le grand temple de Sriseilam , de bon matin  ... (  et je voudrais bien y retourner - dés demain ! .. ) avec une bonne foule de pélerins . Un moment bienheureux ...

         Surtout  , la veille au soir ,  Sona nous avait fait découvrir un ashram où nous n'étions jamais allés , au village de Sripatti , à quelques kilométres de Sriseilam  : l'ashram de Swami Poornananda * . Un nouvel ashram .. un Swami inconnu .  Tandis qu'une partie des personnes du groupe , fatigués ou malades , restaient à l'hôtel , nous avons fait une visite , un peu tardive - le soir tombait .  L'entrée s'ouvrait sous une arcade de plantes grimpantes , se continuait par une belle allée ;  tout de suite  nous avons été accueillis - au début , j'ai ressenti ça comme " arrêtés " , et j'ai trouvé que le " concierge " était un peu directif .. Mais il s'agissait , en fait , d'un des familiers de l'ashram , parlant un anglais que nous arrivions assez bien à comprendre , qui nous a pilotés avec beaucoup de gentillesse . Un grand ashram , un ou plusieurs grands temples , des jardins bien soignés  ( ça me met toujours de bonne humeur ! ) , des personnes accueillantes ... on nous a fait visiter la chambre du Swami disparu , et raconté sa vie - c'était marrant de voir les photos du jeune homme qu'il était, le genre gamin intello à lunettes sympa , et le swami rayonnant qu'il était ensuite , ayant tout abandonné ...

  ( là , une photo qui ne veut pas s'afficher ! le Swami y est habillé en orange et l'a l'air extrêmement gentil . Mouaaais .. c'est vrai que , telle que je suis ,  je ne me vois pas méditer à poil dans une grotte ; et même avec juste une petite culotte .. Ceci dit,  les dames ,  devotees de l'ashram , portaient des saris en tous genres  , et même fort beaux pour certaines . Un ashram de luxe ? ) 

            J'ai compris tout à coup  que ce Swami Poornananda ( je suppose , de Purna , infini , et ananda , bien sur , la félicité ) avait été de la lignée , c'est à dire la famille spirituelle ,  de Swami Nityananda **. Merveille ! je retrouvais , comme on retrouve un cousin inconnu , la piste de ce Swami qui , sans que je l'aie jamais rencontré  - il est mort en 1961 - m'avait littéralement sauvé la vie alors que je j'étouffais à Anandashram , dans le Kerala ,  il y a quelques années .  J'étais allée visiter de petites grottes où il avait médité ; et , à ma surprise , ça avait été  une porte grande ouverte sur la légèreté et la profondeur , et pour lors une soupape extraordinairement bienvenue  . Même si ces grottes  ne sont plus maintenant , pour beaucoup d'indiens , qu'un genre d'  attraction touristique, ( Swami Nityananda a du y méditer il y a une bonne centaine d'années )   il y reste , étrangement , " quelque chose " qui vous entraîne , avec bonheur , au sein de la méditation . Je n'avais jamais ,alors , entendu le moindrement parler de ce Swami Nityananda ..  C'est seulement depuis , que j'ai retenu le nom .   Je me souviens que j'emportais une lampe de poche pour vérifier que je ne m'asseyais pas sur une araignée ou un autre bestiau peu attrayant , tout de même . Je vous mets un lien avec mon autre blog !  chapitre 1256 et suivants ...

http://www.petites-peintures.com/article-chapitre-1256-respirer-a-l-ashram-de-swami-nityananda-99794774.html

            Donc , Swami Poornananda a été disciple du disciple de ce Swami Nityananda - et ça me le rendait d'autant plus intéressant ... le charmant monsieur qui nous a fait visiter voulait nous inviter pour manger le soir ( mais nous ne pouvions guère , puisqu'ayant laissé la moitié du groupe , dont l'une assez souffrante , à l'hôtel ) - et en tout cas ,  il nous a laissé entendre qu'il est possible de faire des retraites à l'ashram , " il y a de petites chambres .." ( mmmmmmhhhhhh, que c'est  tentant ; mais je me demande dans quel pourcentage l'attrait d'une chambre seule pesait , à ce moment là , dans mon mental ... ) . Puis , il nous a raconté l'histoire d'un miracle qui est arrivé à son papa , âgé de 87 ans maintenant , par l'intermédiaire de Swami Poornananda . C'était un peu compliqué comme histoire ; mais seule S , à la fin de notre visite , a eu assez d'esprit de décision et d'autonomie pour aller voir le papa ensuite ,et je regrette bien de ne pas l'avoir accompagnée .

         La seule chose que j'ai trouvée un peu gênante là bas , c'était : les moustiques - mais c'était l'heure de la visite aussi pour eux , le crépuscule ...

 ** ( cf deux adresses que je mets comme pense-bête , pour me souvenir d'en traduire quelques articles , ça me fera du bien ... )

 http://www.nityanandatradition.org/lineage/poornananda.html )

  http://www.nityanand.org/about.html 

*On doit pouvoir aller en rickshaw de l'un à l'autre , d'ailleurs  

         C'était le 14 janvier , Pongal .. devant le restau où nous avions pris le petit déjeuner , deux dames s'employaient déjà à tracer des kolams à main levée . ( tiens , du coup j'ai appris l'autre nom pour kolam , en telugu , mais je l'ai déjà oublié ..) .

        Nous sommes allés revoir le minuscule ashram d'une yogi , bien vivante , Mata Sindoora Devi ; un jardinet frais , ombragé , bien entretenu , qui hébergeait  une portée de chats  tigrés gris clair ( les chats sont rares en Inde , et pas forcément appréciés , ce qui rendait leur présence d'autant plus précieuse à mes yeux  .. ) ; une maisonnette au toit de feuilles de palmier séchées contenant la chambre où elle dort ,  et une pièce un peu plus grande  où elle nous a reçus ;  il me semble que son assistant , et disciple , avait une chambrette de l'autre côté ;  et dans un petit bâtiment plus proche de l'entrée  , une cuisine et une autre pièce , qui sert de temple et de salle à manger ;   parce que  , outre de donner des cours de  hatha yoga et de pranayama , elle offre de la nourriture aux pélerins .

      Pourquoi voyager en groupe ? à priori , parce qu'on ne se sent pas en sécurité dans un univers prévu hostile .. Gamine , on m'avait appris à tout craindre , sans raison particulière - et  quelques agressions sexuelles   " ordinaires " pour les filles , l'une , vraiment terrifiante ,  de mes vingt ans ,  dont j'ai , par miracle , réchappé  ,  avaient largement ancré autrefois des craintes supplémentaires . Dieu merci , mes cheveux presque blancs et mon âge ont définitivement écarté les dangers qu'avaient attirés ma jeunesse . Reste ... maintenant , que je me sens à l'aise dans pleins d'endroits ,en Inde . Et que je me sens  capable d'affronter les peurs diffuses rémanentes , pour le reste .

      Cette fois , j'avais voulu voyager avec Sona  parce que je sentais nécessaire de répèter le voyage de 2014 , pour me repérer en Andhra Pradesh , engranger des lieux , des personnes -  parce qu'il a la générosité de partager des gens et des endroits incroyablement précieux  . ( je n'ai pas encore fait le plein , en ce qui concerne l'Inde du Sud , et me sens le désir d'y retourner encore et encore .. ) Il y avait  également  le fait qu'à l'époque , tellement de mon énergie était employée à m'occuper de ma maman , que je n'en avais vraiment plus aucune pour préparer un voyage .  

       Il y a deux ans  , nous bénéficiions  comme covoyageurs , d'un couple tout à fait remarquable ,  grands pratiquants de pranayama , dont les disputes bruyantes et théâtrales , donnaient l'impression ,  plaisante ou non , de se trouver dans un film italien des années soixante-dix . Cette année , c'était plus banal ,   et donc,  encore plus intéressant : les refus habituels des occidentaux face à l'Inde : " ce que c'est saaaale " , " la chambre sent vraiment trop  mauvais ! c'est pas possible de dormir là !  " " je ne peux pas manger cette nourriture , c'est trop épicé " " la chambre est toute petite ! " " y'a pas de fenêtre  "  ... un autre  :  " j'ai déjà voyagé plusieurs fois en Inde , on peut trouver des chambres nettement mieux que celles-ci .. " ** Or , les voyages avec Sonagiri offraient ceci d'intéressant , c'est de voyager dans les conditions des indiens de la classe moyenne .. et si l'on va tout le temps dans des hôtels 5 étoiles , quel intérêt ? Beh oui , on pourrait se le payer .. Mais saperlipopette , ce que c'était chiant de devoir composer avec ces personnes habituées à un meilleur standing ... je dis ça à postériori . Sur le moment , j'ai fait de mon mieux pour composer avec la présence des autres , sans ajouter à la discussion générale   - d'où une sacrée fatigue , même au bout d'une semaine de voyage ..

       Bref , dans un long voyage comme ça en minibus , nous avons du , presque tous , nous taper terriblement sur les nerfs les uns aux autres  , chacun chacune avec une parfaite innocence  (  et en tant que mégère acariâtre , je n'ai surement pas fait exception ,  j'ai été horripilée parfois - et j'ai certainement horripilé ... ) Il n'y a que  B.  qui  est restée tranquille et gaie d'un bout à l'autre . Magnifique !  Mais moi , miséricorde !  plus jamais , jamais , je ne repars en groupe , c'est juré ...

     ...  et bien entendu , si l'année prochaine je rencontre , par hasard , une des personnes que j'ai trouvée absolument horripilante en voyage , je serai ravie de la retrouver ... la phase difficile étant passée ...

     Un autre aspect de ces voyages , c'est qu'on est , pendant cinq semaines , tributaires du chauffeur , puisqu'aucun de nous ne parlait Telugu ni Tamoul . Tributaires , patrons du chauffeur , c'est nous qui avons le fric ... également ,  amis du chauffeur , on est des employeurs sympas , on a envie qu'on nous aime ... bref , c'est toujours très difficile à gérer  , pour lui comme pour nous , dans cette proximité qui dure cinq semaines .  Celui qu'on avait conduisait très bien ... certes , il avait été surpris  un soir ,  beurré comme un p'tit Lu , dans un ashram  vertueusement , impeccablement impeccable ...  Certes , des personnes du groupe avaient remarqué ses  yeux rouges ou bizarres ( pas moi , bien sur .. )  , dénonçant une addiction à des drogues illicites , d'après certains connaisseurs ( ? )  , ou simplement à l' alcool ,d 'après une autre  ( jeune femme extrêmement sympathique , bonne voyageuse  ,  habillée tout à fait décemment et correctement selon les codes indiens ,  mais dont les courbes splendides , évoquant  Andréa Férréol à ses débuts , ont fait des ravages parmi certains boutonneux des villages indiens , en pleine crise de puberté , ce qui lui a valu quelques déboires  . Son image doit encore hanter leurs rêves  , c'est sur ... ) . Donc , le chauffeur conduisait bien , se débrouillait pour trouver les ermites et les saints et les mausolées dans des coins paumés ,  faisait sympathiquement l'interprète quand nous réservions des chambres d'hôtel .. Las ! Il en avait déduit qu'il pouvait s'entendre avec l'hôtelier pour réserver un léger pourcentage sur le prix de la chambre . Après tout , pourquoi pas ? C'est bien ce que fait un agent de voyage , rôle qu'il remplissait en partie . Mais ça n'a pas été facile à accepter ...  je vous passe les indignations , les mal-à-l'aise , les interrogations ... qui me faisaient balloter d'une opinion à l'autre , d'ailleurs .

* ET puis  ,  moi-même , je ne peux pas dire que je sois blanc-bleu :  j'ai apporté ma petite contribution à Palani , tant la chambre il y a deux ans m'avait horrifié - c'était moi qui me plaignait que c'était ssaaaaale ! ; et  piqué une sacrée crise de colère  à Salem  - refusant absolument  et avec la dernière énergie de partager un lit , même grand ,  avec une copine . Par contre , j'ai fait des progrès : dans ma  chambre ( plutôt propre ! ) à Tiruvannamalai ,( seule enfin ! waouh ! quel pied ! ) ,  dont l'odeur était parfois piratée par celle du ruisseau-égoût proche , il n'y avait pas de lavabo , et je me lavais les dents au dessus des WC , prenant une petite distance avec  ma détestation des  " mauvaises " odeurs , avec le fait qu'on m'a appris , vers un ou deux ans , à trouver sympathique ce qui entre dans le corps par une  extrémité  ,  dégoûtant ce qui en sort par une autre ; et je passais , plusieurs fois par jour  à côté de ce ruisseau - un petit exercice spirituel tous les jours ...   Mais tout de même , j'aspergeais d'essence de Tea Tree , un bon antifongique ,et qui sent le propre ,  le sol de la salle de bains , tous les soirs  ...  

*** ET encore , un des gars , que je trouvais quelquefois bien agaçant , vient de partager ses photos - magnifiques ! il fait des portraits ,en mettant son appareil photo à vingt- centimètres du nez des modéles .. ce qui fait ressortir leur beauté profonde et leur innocence .