Thuli Baba est un sage . Son ashram .. ma foi , qu'en dire ? C'est un ashram traditionnel . Très traditionnel . Il est situé tout près de la Kaveri , la belle rivière sacrée , dans un jardin secret et  paisible . C'est , certainement , un des endroits préférés de Sona ; on y chante la Ribhu Gîta dés quatre heures et demie du matin ; vous êtes nettement convié à venir aussi . Ils appellent ça du chant , mais c'est plutôt une  psalmodie , très étrange , qui m'a paru au premier abord atrocement cacophonique , genre musique concrète des années soixante-dix en Occident genre Pierre Henry ;  mais il faut dire que j'étais très occupée à empêcher ma pauvre tête  plombée de sommeil  de se démancher de mon cou , tant elle avait envie de m'entraîner sur le sol pour enfin m'y étaler et  roupiller tout mon soûl  . Je n'ai pas encore eu le coup de foudre pour la Ribhu Gîta , mais ça viendra peut-être ; qui sait .

           Quoi dire d'autre  ? Les dames et les monsieurs dorment dans des dortoirs séparés ; quand nous y étions ,  de copieuses dames indiennes d'âge mur y ronflaient tout l'après-midi ,vautrées sur les lits de camp comme des baleines échouées ;  la plus âgée ne se levait qu'à deux heures du matin pour faire bruyamment sa lessive dans la salle de bains , séparée du dortoir juste par un rideau  , cognant avec énergie ses seaux métalliques contre le sol pour que personne n'ignore rien de ses activités hygiéniques . Je sais bien que les indiens peuvent être remarquablement bruyants , sans-gêne , et tout et tout - mais cette dame a gagné la palme haut la main .

          Quoi encore ? Les gens se prosternent de tout leur long devant vous - enfin , non , pas devant votre ego , surement  devant l'Atman qui est en vous . Après quoi , vous vous prosternez aussi , si vous voulez . Ca assouplit l'échine , déjà .

           Je me rends bien compte que ces impressions d'à peine deux jours passés là sont teintées de superficialité et d'aigreur ; il faudrait surement que j'y retourne pour m'en faire une idée . Ceci dit , je ne sais pas si je reviendrai là bas . Mais c'est toujours moins difficile la deuxième fois ...

                  Celui-ci , je l'avais déjà rencontré ,  je me souvenais bien de la maison au pied de la colline , tout près de Perambalur ,  de ce type très rigolo et  jovial et bizarre qui nous avait donné une pâte camphrée souveraine pour le rhume .. Maha Siddha Rajkumar Swami . Pas moins . Cette fois-ci , nous sommes arrivés au début de l'après-midi  ; il n'y avait plus autant de chiens , mais une basse cour , et le Swami avait de splendides mules de plastique jaune  (  faisant echo aux suaves sabots roses de Sona , la photo me plait beaucoup parce qu'on dirait qu'ils vont  faire un numéro de claquettes  ) . On nous a accueilli , encore et toujours , à bras ouverts , la dame qui s'occupe de l'ashram nous a offert de la tisane d'hibiscus délicieuse ,  le Swami  nous a distribué de minuscules flacons  d 'huile de ricin ( castor oil , rien à voir avec les castors qui construisent des barrages .. ) agrémentée de je ne sais quels ingrédients ; quelques gouttes dans les yeux sont souveraines contre tous maux .. peut-être . En tout cas ça faisait pleurer .

          En France je suppose qu'on l'aurait mis dans un hôpital psychiatrique vite fait bien fait et bourré de drogues .. Là , il nourrit les singes de la colline et les humains , parle d'abondance , et nous a  fait participer à un arati  étrange , un genre de transe autour du feu , à grand renfort d'instruments de musique  ; nous sommes repartis à la nuit largement tombée ; le cerveau merveilleusement lessivé , en ce qui me concerne .

http://brammarishihills.wordpress.com/blog/

     Ce tour d'Arunachala , qui est censé , je crois , faire du bien à votre karma , nous l'avons fait en minibus  dans la belle lumière de fin d 'après-midi . Encore un projet pour plus tard , le faire à pied .. Nous nous sommes arrêtés une première fois dans un village avec un joli temple ; il y a eu une petite cérémonie à l'intérieur . Les enfants du village venaient de sortir de l'école . Un petit garçon , pénétré du sérieux de l'opération ,  a voulu que je le prenne en photo ; dans l'instant , j'ai envie de lui souhaiter plein de bonheur pour sa vie à lui , et celle de sa famille . Et pour la vie de chacun dans notre petit groupe , donc .

             Il y a les endroits et des choses que je n'aime guère .. par exemple , les vaches qu'on trait dans la rue ; quand j'étais petite , mon tonton trayait les vaches à l'étable , qui était un genre d'endroit doux et préservé , rien que pour elles , et chacune avait sa place , c'était important . ( Eh oui , ma bonne dame , à mon époque il n'y avait pas encore les trayeuses électriques ..  ; et non , l'odeur ne me gênait pas du tout , toutes odeurs , lait chaud , fumier , foin , mélangées ...  Elles avaient toutes un nom , en plus ..  ) . Je ressens ça comme un manque de respect . Les vaches de l'ashram , par contre , qui vivent en face , ont une bonne vie .. et puis ,  ne permettre les câlins entre la mère et son petit que pendant qu'on trait la maman , pour qu 'elle donne son lait plus facilement . Je sais , dans l'Aubrac ils font pareil . Ca n'est pas une raison .  Et puis qu'est-ce que c'est que ces façons , tu as abandonné ce blog  depuis presque un mois , et tu reprends en montrant ce que tu n'aimes pas , pour commencer ...

           C'est , bien sur ,Tiruvannamalai , mais on dit  souvent Tiru .. pour raccourcir . Et puis Tiru veut dire Saint en hindi , parait-il .  Employer le diminutif - juste pour se souvenir qu'on fait partie de la famille de là bas . Si le présent en France est trop douloureux , on sait qu'on peut toujours revenir à l'enseignement de Ramana Maharshi : Qui suis-je ? Qui souffre maintenant , en cet instant ?

        Et , presque toujours , il y  a déjà  comme un petit adoucissement de la souffrance , à se rappeler que vous , le vous qui a l'impression de tellement souffrir en cet instant , le vous au coeur serré présentement , c'est aussi le vous qui marchait sur le sentier d'Arunachala , dans la douceur du soleil matinal ,  la tiède poussière du chemin , ou le contact rugueux des pierres ,  sous les pieds .