la lessive , Jillelamudi

                  Nous sommes partis de Jillelamudi , donc , après avoir regardé la vidéo , acheté des bouquins ,  nous être recueillis devant l'endroit où Amma recevait les dévots , et gracieusement accepté encore un repas délicieux .. On nous a offert des cadeaux de départ immérités ( des châles de méditation , toutes les couleurs de l'arc-en-ciel  ... Celui qu'on m'a donné , quelle chance , est couleur de feu ; et j'en ai ressenti la chaleur et l'énergie bienfaisantes ,  la première fois que je m'en suis enveloppée ,  à la maison  , pour méditer avant le lever du soleil ).

             Nous nous sommes dirigions vers l'Est , le long de la côte de ce qui devient , bien plus au Nord , le Golfe du Bengale . Le paysage était tout simplement ravissant  : eau , terres , rizières inondées et cocotiers , tout celà intimement mélangé avec le ciel ..

      Nous comptions dormir dans une petite ville , voisine de l'ashram de Balayogi , un très célèbre yogi ( inconnu de moi , bien sur ) , très vénéré ,  qui a accompli miracle sur miracle .. Le sort , ou la Bonne Providence de Dieu , en a décidé autrement : nous ne trouvions pas d'endroit où dormir décemment , et nous avons demandé l'hospitalité pour la nuit à l'ashram , hospitalité qu'ils nous ont proposée de tout coeur . Il faisait  nuit , on voyait seulement qu'on roulait au milieu de l'eau sur des petites digues , une fois à gauche , une fois à droite , - et les rizières partout tout autour ...

         Arrivés à l'ashram , énorme ,  c'était la fête : musique , instruments et chants ,  et partout des guirlandes de lumière .. On nous a installés dans des chambres rustiques mais propres , puis fait visiter l'ashram , le temple , l'endroit où le sage méditait ( pratiquement sans manger ni boire pendant plusieurs années . Naturellement  . ) .. Bien sur , pour nous , les marmites étaient encore pleines , nous nous sommes assis par terre et on nous a servis ,  sur les traditionnelles feuilles de bananier . Nous n'étions même pas les derniers à arriver .

  http://www.shiva.org/His-Life.htm

             A Jillelamudi il y a l'ashram d'une dame tout à fait exceptionnelle ; et ça a été mon troisième coup de foudre du voyage , bien que je ne m'en sois rendu compte que bien après  .. je peine en ce moment à lire un livre d'entretiens qu'elle a donnés ; pas seulement parce que c'est en anglais , mais parce que chaque phrase est très dense , quelquefois très surprenante et paradoxale , mais riche - vous savez , c'est le genre de livre qui donne l'impression , en lisant , qu'on est sur le bord extrême , que dans une seconde toutes vos habitudes de pensée vont s'écrouler et qu'on va atteindre le même bonheur inconditionnel , la même paix que cette dame .. Et puis non , en ce qui me concerne , les habitudes de pensée ont la vie dure ; ou c'est peut-être mon prarabdha karma * dans cette vie que je sois là à continuer à jacasser . Si je comprends bien son enseignement , d'ailleurs , c'est tout simple : tout est voulu et décidé par Dieu , par la Shakti ; ou plutôt tout , tout , tout ce qui arrive est la Shakti - et là est la joie infinie . OM ! C'est un peu abrupt , quand vous êtes là à barboter dans vos angoisses parce que vous craignez de ne plus arriver à payer votre loyer ou parce que vous avez un bobo qui ne guérit pas ; mais c'est une joie et une insouciance contagieuses , aussi . Et c'est ce que je viens chercher ...

            On était arrivés en fin d'après-midi dans cet ashram presque aquatique , entouré de  rizières et d' étangs - je commençais à m'angoisser en pensant aux moustiques .. et bien sur ,  comme dit Michel Simon dans Drôle de Drame : à force d'écrire des choses horribles , les choses horribles finissent par arriver - donc pas de problème , pour me conforter dans mon opinion les moustiques sont arrivés  en force ;  et se sont précipités sur mes mollets - à travers le pantalon , youpi . Nous étions attendus , on nous a reçus avec les honneurs (  je faisais la gueule , bouffée par les moustiques et dansant d'un pied sur l'autre .tout en essayant frénétiquement de me gratter sans que ça se voie trop . ) On  nous a proposé des chambres immenses ,  dans un ashram tout beau tout neuf tout propre , même pas fini de construire - en fait ça n'était pas des chambres mais de vrais appartements .. Chance des chances , le nôtre ( à Martine et à moi )  était au rez-de-chaussée , avec : des lits de sangles tout à fait confortables , et puis des oreillers et des matelas neufs , et  des moustiquaires ..  j'en pleurais de joie , de voir ces oreillers .. ( eh oui , ce mental conditionné à apprécier le propre .. )  . Nous arrivions pile poil pour la puja du soir - comme je n'avais pas lu l'intégralité du programme pourtant concocté avec amour par notre organisateur , je ne savais même pas qui on allait voir et de qui c'était l'ashram . Un peu muffle , je m'en rends compte maintenant . Mais j'avais des excuses .. comme je vois quand je soupése les kilos de bouquins récoltés au cours du voyage .Ou plutôt , les enseignements spirituels ne sont pas mon unique intérêt , je papillonne et je papillonne .. Pff , quelle importance , tu ne vas pas culpabiliser , c'est la Shakti ! 

       Donc , on s'installe , on visite un peu ; il y a des petits temples très soignés , en gris et blanc , dans le jardinets ; dans le principal corps de logis , un autel avec des photos ; une dame âgée chante seule , un mantra assez long en l'honneur de la sainte   ; un chant magnifique , pas du tout le genre de mantra avec une musique simplette qui fait penser à un chant militaire de chez nous genre soldat lève-toi soldat lève toi soldat lève toi bien vite , non  , une mélodie subtile  comme les mantras de l'Inde du Nord que nous faisait travailler Adam , mélodie dont je regretterai après ( on appelle ça l'esprit d'escalier , je crois ) de ne pas avoir essayé de m'en procurer une version . Puis , on nous sert un repas ; on me dit que cette dame opérait des guérisons mais qu'elle n'avait pas pu guérir sa fille , morte jeune .

     Le lendemain , 13 Janvier : merveilleux  , ils fêtent aussi Pongal en Andhra Pradesh ! il y a des kolams partout devant les maisons ! De bon matin , on promène  dans le village en admirant les oeuvres devant les entrées . Devant une cabane , où les kolams sont particulièrement splendides  sur la courette fraîchement recouverte de  bouse de vache diluée  on voudrait photographier les artistes , mais elles sont extrêmement timides - la famille se déride petit à petit , en commençant par les petites filles .. et finalement , toutes les femmes , la grand-mère , la maman , les petites filles  ( dessiner un kolam est l'art traditionnel des femmes , et je peux vous dire , moi qui ai pourtant l'habitude de dessiner que c'est pas évident de faire un trait  en tenant la poudre dans sa main droite et en laissant couler un tout petit filet bien régulier .. ) , plus les deux petits garçons , acceptent de se laisser photographier devant la maison ( N.B je passerai un bon petit moment à me nettoyer les pieds après , parce que la bouse de vache n'était pas vraiment tout à fait sèche .. )

             Le deuxième coup de foudre a été pour un lieu ; et pour une dame , yogi et guide spirituelle dans un autre lieu . Pour les deux . Nous devions aller visiter un deuxième ashram  - vous pouvez remplacer le mot ashram par monastère , c'est tout à fait équivalent -  de la Sainte de Yanagundi , Maha Yogini Manikeshwari . Nous avons demandé notre chemin à une première personne , puis à une deuxième - pour atterrir , en haut du village , devant un petit jardin propret , ombragé de palmiers , abritant deux chaumières : un tout petit ashram . Une jeune femme tamoule nous a accueillis , puis est allée chercher une autre dame , plus âgée , très droite  ,vêtue d'une  tunique et d'une longue jupe oranges , qu'elle portait royalement . La couleur orange est celle des sannyasin , des renonçants .. Elle avait la même coiffure à chignon haut perché , style samouraï , que Manikeshwari . Cette dame nous a expliqué que nous nous étions trompés d'endroit ;  mais nous a acueuillis avec la plus grande gentillesse dans sa minuscule chaumière - une chambre , deux autels , dédiés à Shiva si je me souviens correctement .  Elle dirigeait cet ashram grand comme un mouchoir de poche  , consacré au yoga . Comme toujours , on nous offre à boire du thé , du café ou de l'eau fraîche , on veille au bien-être des visiteurs ..  

             Ensuite , elle a décidé de nous conduire elle-même vers l'endroit que nous cherchions .Surprenant : nous avons pris la direction de la décharge  . A droite comme à gauche , des montagnes de sacs plastiques - la peste qui ravage l'Inde en ces années deux mille , peste contre laquelle nous sommes encore en train de lutter en Europe .. la prolifération des sacs platiques .  Des cabanes plus que rustiques , mais soignées , étaient construites de bric et de broc en bordure de la décharge - je me demande comment ils font au moment des fortes pluies de la mousson ; en tout cas , devant les cabanes , comme toujours , tout était propre et bien balayé ;  devant l'une d'entre d'elles ,  un buisson de pervenches de Madagascar roses avait été planté pour embellir l'entrée  . Chambres avec vue sur la mer de platiques ...  Devant l'autre , une belle moto neuve est garée ; une petite fille curieuse nous fait bonjour de la main ..

        Il faisait plutôt chaud ,il me semble que c'était le milieu de l'après-midi   ; le chauffeur du minibus a refusé d'aller plus loin pour ne pas achever  ses essieux ( les véhicules sont propriétés de l'agence de voyage , mais le chauffeur , payé au lance-pierre et taillable et corvéable à merci , en est responsable ) . Et nous voilà ,  onze clampins , suivant la belle grande  dame dont les robes orange ondulaient noblement dans la petite brise , à crapahuter  sur la piste de terre rousse  ; qui descendait d'abord , montait assez raide ensuite ; pour terminer , comme souvent en Inde du Sud , par un escalier .

            Au bout d'un petit quart d'heure de marche en plein cagnard dans un genre de garrigue sèche , nous arrivons : un coin de paradis , une oasis enclose dans de hauts murs  : l'ashram de Manikeshwari ; où nous sommes accueillis comme des envoyés de Dieu - on nous fait asseoir à l'ombre pour nous reposer ; puis nous propose du thé tout frais , que nous dégustons  .. ensuite ,  on nous propose de descendre , par de petits escaliers blanchis à la chaux , jusqu'à l'endroit où la sainte se plaisait à méditer : une petite terrasse en balcon , à l'ombre d'un arbre dont le tronc est badigeonné de curcuma ( en tout cas , ça en a bien l'air ) agrémenté de taches rouges de poudre kumkum ( je crois ! ) ;  avec vue imprenable sur la Krishna en contrebas , quand on rouvre les yeux ..Plus bas , on voit les réservoirs d'eau dans lesquels Manikeshwari aimait à se rafraîchir .   Il  fait délicieusement frais après la chaleur de la montée ; juste la place pour notre petit groupe ! nous méditons tranquilles , assis à l'ombre dans la douceur du vent léger  .  Assise , je m'attarde , profitant de la paix qui émane du lieu ... 

                    Un petit garçon vient nous chercher , on  appelle ...  on nous a préparé un repas .  Nous avons déjà mangé , mais les gens de l'ashram insistent .. nous nous asseyons sur le sol d' une grande pièce , ornée du portrait de Manikeshwari ; au fond , un autel .  On nous sert  , sur des assiettes de feuilles cousues ,  le riz , des papadam et les petits ragouts de légumes qui les accompagnent ; il y a même des cuillers - les occidentaux , Dieu sait pourquoi , ne savent pas manger avec la main droite comme il est normal  .. Toujours , tant de gentillesse , un tel accueil , que je ressens comme immérité ... enfin , nous arrivons à nous arracher - des adieux chaleureux , et restera le souvenir émerveillé ..

  Note : la dame yogi est assise à droite de la photo . Elle s'appelle Matha Sindoora Devi , et son Ashram : Sri Veda Bhaskara Ashram , yoga Dhyana Kendram , Sri Sailam near Toll Gate Down 

        Ouf ! les petits enfants sont chez le coiffeur ( on aurait cru qu'Ava partait pour la guillotine ) , voilà une bonne heure de calme délicieux dans la maison ... me laissant le temps d'écrire . C'est rigolo de jouer un temps à la grand-mère  . Point trop n'en faut .

          Où en étais-je ? Ah oui , dans cette bourgade d'Andhra Pradesh dont je préfère oublier le nom , où nous avons dormi dans un hôtel tout neuf ( borgne ? ) . Le lendemain matin , on a entassé les valises dans le minibus - mettant à contribution Olivier et ses remarquables compétences pour emplir un espace limité avec un nombre de valises illimité , le tout de façon à laisser le plus de place possible pour les passagers .. nous allions découvrir petit à petit l'étendue des compétences d'Olivier , avec ravissement dans mon cas   . Et nous sommes   partis pimpants vers le Sud  :   petits champs et petites rizières tout au long , champs de coton ,de mais , tournesols , un genre de luzerne , troupeaux de moutons et de chèvres , toits de lauzes sur les maisons ; malgré les rizières , plutôt des cultures de sécheresse . Nous avons goûté le premier d'une série de succulents déjeuners quotidiens , dans un restau de village ( j'ai déjà du vous dire que je leur fais une confiance absolue : c'est délicieux , et en sept ans , je n'ai jamais attrapé la tourista en Inde - d'ailleurs la seule fois que je l'ai eue , c'était en Bavière , à Munich , et dans ce cas particulier c'était peut-être tout aussi bien du à une indigestion d'églises baroques ) . Donc , ces restaus sont tous bons , et je ne saurais trop vous conseiller d'acheter également les petits beignets au légumes , samoussas et pakoras , vendus tout chauds dans des chariots dans la rue , pour quelques centimes  .. sauf si vous vous trouvez dans un bidonville , là ça craint un peu  . Mais bon ...

            En début d'après-midi , nous avons quitté le plateau , et la route a commencé à grimper vers la montagne ,  en plusieurs lacets , entamant la longue traversée d'une immense réserve naturelle ;  forêt sèche , embrousaillée , pas très dense , des arbres pas très hauts ;  mais où sont censés roder des tigres ; à pas feutrés , naturellement .

          En fin d'après-midi , la route redégringole : la montagne est coupée par la faille profonde  des gorges de la Krishna  . Notre but pour le soir , le temple de Srisailam , se trouvait sur la montagne d'en face ; un pont , en aval de  l'énorme barrage ,  permet de traverser la rivière sacrée . Je rêve maintenant de revenir dans tout ce coin pour explorer plus à loisir . Et pas seulement à cause du paysage   ..

les

      Donc , pour des raisons pratiques ( j'ai peur que les fichiers de l'autre blog aient un trop plein de photos ) , voici le récit ,  ultra subjectif et partial   comme d'hab , de ce merveilleux voyage ...vous pouvez trouver toutes précisions sur les sites visités sur le site de Sonagiri :  http://www.sonagiri.org/new-page-3.htm

  On peut  commencer , comme pour une méditation , par prononcer trois fois le son OM -  trois inspirs , suivis de trois expirs  ...

                                               OM !        OM !       OM !  

ou alors , frapper les trois coups .. ( mais personne ne fait plus ça , au théâtre . Quelle tristesse !)

             Nous étions douze : onze voyageurs venus de l'Ouest ; et un chauffeur pour le minibus  , tamoul . Sona avait préparé le voyage ,  et fut notre guide tout au long  ; il connaissait certains endroits pour les avoir visités depuis longtemps ; pour certains autres , il avait établi des liens par mail  avec le , ou la , guide spirituel d'un ashram  , et nous étions attendus . Ailleurs , nous arrivions à l'étape du soir armés en tout et pour tout  d'espoir et de bonne volonté . Sans oublier la Bonne Providence de Dieu naturellement , c'est la moindre des choses pour un voyage à but " spirituel ";  et cherchions un hôtel - onze personnes aux ressources diverses , aux goûts divers ; discussions et disputes étaient fréquentes . Onze personnes     - et nous dépensions chaque soir  beaucoup d'énergie , nous agitant fébrilement  et pesant  le pour et le contre ,  qui veut bien partager une chambre et avec qui , qui veut absolument être seule ou seul , qui ne veut pas payer trop cher , et combien y a t'il de chambres disponibles  ...  On trouve facilement des chambres à quatre cent roupies ( 5 euros ) la nuit ; la saleté n'est pas toujours au rendez vous , d'ailleurs . Pour un palace , compter à partir de 20 euros . Notre petite équipe aurait été bien terne sans la présence d'un aimable couple milanais , aux disputes parfois flamboyantes ; eux n'ont renoncé qu'à la fin du voyage  à  la toute dernière étape,  à exiger d'avoir de l'eau chaude . Bravo  !

           En tout cas ,  la Bonne Providence de Dieu a fait que jamais nous n'avons eu à dormir au bord de la route ..  

            Le premier hôtel , et le pire , où nous avons logé , était à côté de Yanagundi , dans un gros bourg fort peu touristique .  Nous avions visité auparavant un petit ashram et le mausolée ( samadhi ) d'une sainte ; j'y reviendrai  . Le hall était quasiment  accueillant . Mais les murs constellés de taches sombres des chambres ,  pourtant presque neuves  , les matelas sales ,  éventrés , donnaient à supposer que meurtres à l'arme blanche et folles orgies sado-maso  y étaient monnaie courante  ; un genre d'auberge rouge à l'indienne , en somme . La bonne influence de la visite de l'ashram , plus peut-être le fait que la plupart d'entre nous étaient trop abasourdis ou hallucinés pour protester - toute une journée et un début de  nuit dans l'avion , suivies de quelques heures d'attente enthousiasmantes à l'aéroport d'Hyderabad , enfin plusieurs heures de car dans un climat estival  ... - bref , tout celà a fait qu'aucun de nous n'a râlé . Pas encore .. En tout cas , nous y avons plutôt bien dormi . Et Sona y a même oublié sa valise le lendemain matin ...  

           Je m'étais fait une vague idée de l'Andhra Pradesh   , à partir du nom bien sur ; comme notre bien-aimé Marcel Proust se faisait une idée à partir de la sonorité mordorée du nom de Guermantes ..  à cause de cette finale en esh , donc , j'avais rêvé un pays sec , de hauts plateaux .. le début du voyage a semblé  donner raison à mes fantasmes : buissons d' épineux comme partout en Inde du Sud , mais aussi  petits champs , chèvres , coton et légumes et céréales , et la roche souvent à fleur de peau .. une surprise , de nombreux villages dont les maisons étaient couvertes de lauzes . La Lozère n'était pas si loin ...